L’Amant
d’Harold Pinter

« Ton amant vient aujourd’hui ? »

L’Amant
d’Harold Pinter
Mise en scène de Stéphane Olivié Bisson
avec Manon Kneusé, Clément Vieu et Éric Capone

La pièce

L’Amant (The Lover) est une pièce de théâtre en un acte du dramaturge et prix nobel de littérature britannique Harold Pinter écrite en 1962.
La pièce est créée à l’Arts Theater de Londres le 18 Septembre 1963.
Claude Régy créa la pièce en France, au théâtre Hébertot, le 27 septembre 1965 avec Delphine Seyrig, Jean Rochefort et Bernard Fresson.

Richard et Sarah sont un couple heureux. Le matin, Richard part travailler et quitte Sarah, en lui posant cette question « ton amant vient aujourd’hui ? »
Et chaque aprèsmidi, Sarah reçoit son amant.
Cet amant qu’elle accueille dans leur maison, c’est son mari, sans cravate.
« L’amant », l’histoire d’un vaudeville qui n’aura pas lieu.

L’Auteur

Harold Pinter (né le 10 octobre 1930 et mort le 24 décembre 2008 à Londres) est un écrivain, dramaturge et metteur en scène britannique. Il a écrit pour le théâtre, la radio, la télévision et pour le cinéma. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 2005.
Les créations de Pinter sont appréciées pour leurs recherches stylistiques, leur mélange de bouffonnerie et de noirceur et leur précision presque maladive. Elles renvoient généralement le théâtre à sa base élémentaire avec des dialogues qui basculent de manière inattendue et des pièces closes où les êtres sont livrés les uns aux autres. Le masque des convenances sociales tombe. La vacuité de la société bourgeoise est vite notifiée. Les personnages, fondamentalement imprévisibles, révèlent sans spectaculaire une faille ou une étrangeté dans leur identité, due à leur passé insaisissable qu’ils tentent vainement de reconstituer à travers des récits flous et contradictoires.
Les conversations les plus banales se révèlent être l’espace privilégié de stratégies de domination physique, psychologique et sexuelle. Des rapports de forces brutaux resurgissent dans le glissement progressif des répliques. Les dialogues de Pinter mélangent un certain naturel d’expression (courtes répliques, formules simples, notations grivoises, utilisation de l’argot) à un dérapage verbal à la limite de l’onirisme, empli de saturations et de répétitions (monologues, suspensions, coupes, ellipses, silences). L’idée de communication est ainsi mise à mal dans un univers où le faux et le véridique se côtoient.
Il meurt le 24 décembre 2008 à l’hôpital de Hammersmith en Londres des suites de son cancer.

La mise en scène

Même s’il a émergé comme auteur dramatique à la fin des années 50, juste après Osborne et Wesker, le souffle des libertés qu’il prend impressionne le lecteur d’aujourd’hui, habitué à tolérer l’asphyxie d’ordre moral dans laquelle nous évoluons.
Car « L’Amant » est d’abord et surtout une comédie du langage.
Dans ce théâtre les mots sont des armes que les personnages utilisent pour se déstabiliser ou se détruire l’ un l’autre et, défensivement, pour dissimuler leurs sentiments les plus profonds. Il ne s’agit pas d’une énième variation sur le thème du trio amoureux mais bien plus de sexualité, de pouvoir et de ce que l’ont aime à considérer comme normal ou pas normal.
Car dans ce foyer si commun, dans ce couple si banal en apparence, règne, comme à l’extérieur, une peur et une crainte profonde, s’y déroule une vie d’intimidation, s’y développe une censure omniprésente ainsi qu’une autocensure insidieuse. Et le rire surgit soudain du désarroi le plus achevé, comme chez Dickens, grande admiration de Pinter.
On se penche ici comme des entomologistes sur « l’anglicitude » comme expérience de l’aliénation, et sur l’effondrement de l’identité personnelle du fait qu’elle ne se constitue qu’en fonction de l’Autre. C’est ainsi une critique ultraviolente du langage et de la représentation sociale qu’on se fait de soi-même à travers lui.
Une expression londonienne parfaitement cockney « Taking the piss » signifie persifler, se moquer des autres avec un respect apparent de sorte qu’ils ne s’aperçoivent de rien. Cela caractérise de la plus exacte et la plus cruelle des manières le véhicule qu’empruntent quotidiennement Richard et Sarah, les deux protagonistes du couple de « L’Amant ».
En l’absence d’explication de l’auteur les interprétations des critiques, des metteurs en scènes, des comédiens, des universitaires ont peu à peu largement recouvert ce répertoire de leur lourde nappe. Mais malgré cela, pour la plupart des pièces de Pinter, les réactions du public restent toujours très fortes tant les émotions ressenties profondément par les personnages sont retenues, masquées, étouffées et résonnent d’autant.